L’association des utilisateurs francophones de la Classification Internationale des Soins Primaires, association affiliée au WICC (Wonca International Classification Committee)est plus connue sous le nom de CISP Club. Depuis 1998, le CISP-Club (www.cispclub.org)a tenu des ateliers annuels à Saint-Étienne, Nantes, Namur, Neuchâtel, Metz, Paris, Mons, Annecy et aux Sables d’Olonne, rencontres au fil desquelles a mûri la réflexion qu’il propose dans ce document.
Ce texte rédigé par Michel De Jonghe (MG à Tournai), Madeleine Favre (MG à Paris, Bruno Seys (MG à Bruxelles) et édité par Marc Jamoulle (MG à Charleroi).
Nous, membres du CISP Club
professionnels de la santé ou informaticiens, familiers dans le traitement de l’information médicale,
Déclarons
- Etres attachés à la relation thérapeutique au travers du colloque singulier,
- Promouvoir une utilisation éclairée par les professionnels de la santé des nouvelles technologies de communication,
- Vouloir attirer l’attention de nos collègues sur le devenir des données médicales (ou Informations Personnelles de Santé [IPS] ou nominatives) de nos patients,
- Reconnaître que les professionnels de la santé se trouvent souvent démunis devant la technicité de la mise en conformité des logiciels aux recommandations,
- être vigilants quant à l’intrusion de tiers (Etat, politique, intérêts commerciaux, assurances, employeurs) dans le domaine de la vie privée pouvant entraîner à tout moment une rupture du secret professionnel,
- être interpellés par les expériences malheureuses vécues par certains de nos collègues attentifs au droit à l’information du patient,
- être interpellés par la valorisation commerciale croissante des IPS,
- Prendre en compte la complexité de la relation médicale à notre époque contemporaine,
Réaffirmons
clairement notre conviction dans les trois principes éthiques fondamentaux régissant tout traitement de données médicales, à savoir :
- Respect de la vie privée,
- Confidentialité et secret professionnel,
- Consentement du patient.
Textes de référence
Les trois principes ci-dessus sont développés et défendus dans plusieurs textes de référence:
- 1. Trois textes fondamentaux en éthique :
- Déclaration d’Helsinki, 1964(1)
- AMM, Déclaration de Lisbonne, 1981(2)
- GEE, Aspects éthiques de l’utilisation des données personnelles de santé dans la société de l’information, 1999(3)
- 2. Textes internationaux :
- Déclaration Universelle des Droits de l’homme du 10 décembre 1948, art. 12(4)
- Convention européenne des Droits de L’Homme : Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, art 8§1(5)
- Charte européenne des Droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 3 et 8(6)
- Textes nationaux:
- Recommandations relatives à la tenue de bases de données médicales contenant des données nominatives ou identifiables, Conseil national de l’Ordre de médecins (Belgique), 1997(7)
- Documents de synthèse :
- Chevalier S. Ethique et informatique, la protection des données médicales informatisées. 2003(8)
- Autres documents :
- Répertoriés dans la bibliographie.
Dont nous pouvons conclure:
Chapitre 1: Le patient
- Est propriétaire des données médicales; le dépositaire en est le professionnel de la santé. Dès lors, le patient peut à tout moment les consulter et les faire modifier. Il peut également les faire supprimer.
- A droit à la confidentialité.
- Peut exiger que certaines IPS ne soient ni enregistrées ni divulguées (le dossier médical ne doit pas être exhaustif).
- Donne son consentement à l’existence des IPS et à leurs utilisations.
- Est le partenaire des soins.
- A droit à ne pas avoir connaissance de tous les éléments de son dossier, par respect de la protection due aux personnes vulnérables, et de façon plus générale au nom de la reconnaissance de la fragilité de l'humain.
Chapitre 2: Le professionnel de la santé
- Est responsable des IPS qui lui sont confiées.
- Est garant de la confidentialité devant le patient.
- Respecte la volonté du patient d’exprimer une réserve quant à l’enregistrement et/ou la divulgation de certaines informations.
- Veille à informer le patient de l’utilisation des IPS qui le concernent.
- Remet, à sa demande, ses IPS au patient, celui-ci étant acteur de sa santé.
- Respecte le droit du patient à l’oubli.
Chapitre 3: le fournisseur de services informatiques ou toute personne appelée à traiter des données personne es de santé :
- Est responsable vis-à-vis du patient et du professionnel de la santéde l’utilisation qu’il fait des IPS.
- Est soumis au secret professionnel.
- Assure la priorité absolue à la confidentialité des IPS sur la convivialité ou la performance technique.
- Peut démontrer au professionnel de la santé que le traitement des IPS respecte le principe de confidentialité, y compris dans ses aspects techniques.
- Respecte la réserve exprimée par le patient et transmise par le professionnel de la santé concernant la gestion de ses IPS.
- Prévoit un document de consentement que le professionnel de la santé pourra soumettre au patient.
- Donne au professionnel de la santé les moyens d’informer le patient des résultats obtenus grâce au traitement de ses IPS.
- Peut expliciter clairement les modalités de conservation et de destruction des IPS originales après leur usage convenu avec le professionnel de la santé. Il applique ces modalités.
Chapitre 4: les autres partenaires:
- Respectent le fonctionnement des acteurs tels que décrits ci-dessus.
- Respectent les principes construits au cours des siècles ayant permis de maintenir la confiance réciproque dans la relation patient-soignant en préservant le secret, base de toute approche thérapeutique depuis Hippocrate.
Cependant, nous membres du CISP Club,
Soucieux de la nécessité de la recherche dans le domaine de la santé et convaincus de son importance pour la qualité des soins,
Convaincus que l’outil informatique est indispensable à ce jour pour délivrer des soins de qualité, Certains que le partage des données personnelles, dont les données médicales, peut être un outil pour une plus grande efficience et une meilleure équité des soins,
Attentifs à respecter le choix de tout professionnel de la santé à pratiquer dans la structure qui lui convient le mieux,
Convaincus qu’il y a toujours lieu de contextualiser une donnée médicale,
- Nous interpellons nos collègues afin qu’ils exercent leur jugement critique dans toutes les situations particulières auxquelles ils seront confrontés impliquant l’informatisation ou le partage de IPS,
- Nous les encourageons à divulguer tout manquement aux principes ci-dessus énoncés qu’ils pourraient rencontrer,
- Nous les encourageons à informer leurs patients et à respecter leurs choix.
Signée aux Sables d’Olonne, le 9 octobre 2005
Philippe Ameline, IT specialist, Paris (F)
Manu Berquin, general practitioner, Brussels (B)
Alain Brohée, family doctor, healthcare information manager, Ghlin (B)
Jean-François, Brulet, general practitioner, Saint Martin IT, Lestra (F)
Michel De Jonghe, general practitioner, researcher at the University Libre of Brussels, Département of general medecine, Rongy (B)
Bernard Dendeau, IT, Waterloo (B)
Madeleine Favre, general practitioner, Vincennes (F)
Jacques Hidier, Challans (F)
Joseph Huberty, family doctor, Ciney (B)
Jacques Humbert, family doctor, Beauvoir Sur Mer (F)
Onesphore Kubwimana, medical oo-ordinator, MdM Monrovia, Liberia (LIB)
Marc Jamoulle, family doctor, healthcare information manager, Gilly (B)
Olivier Latignies, IT specialist, Fosses-la-ville (B)
Laurent Letrilliart, general practitioner, primary care researcher, Villeurbanne (F)
Luc Ribeton, general practitioner, Centre 15, Bordeaux Saint-Loubes, (F)
Michel Roland, general practitioner, healthcare information manager, University Libre of Brussels, département de Médecine Générale, Bruxelles (B)
Marc Vanmeerbeek, general practitioner, Public health information manager, Departement of General Medicine, Liège (B)
Marc Verbeke, Assistant at the University of Gand, Department of primary health care, Zele (B)
Désiré Verbraeck, general practitioner, healthcare information manager, Flawinne (B)
Christian Simon, médical IT specialist, Angers (F)
Bruno Seys, family doctor, healthcare information manager, Bruxelles (B)
Bibliographie
1.World Medical Association Declaration of Helsinki.
Ethical principles for medical research involving Human Subjects. WMA General Assembly . Helsinki, Finland, June 1964, and amended by the last revision (Tokyo)
2004
2.World Medical Association Declaration on the Rights of the Patient
Adopted by the 34th World Medical Assembly Lisbon, Portugal, September/October
1981 and amended by the 47th General Assembly Bali, Indonesia, September 1995.
3. Findings by the European Community Committee of Ethics and Technology: Ethical
Aspects of Use of9ij0-yt7 Personal Health Data in the Information Society n°13; 30 july1999.
4. Déclaration Universelle des Droits de l’homme. Nations Unies.10 décembre 1948 .
5. Convention européenne des droits de l’homme : Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (1950) telle qu'amendée par le Protocole n°11 (1998)
6. Charte européenne des droits fondamentaux de l'Union européenne. UE, Parlement européen. Office des publications officielles des Communautés européennes. JOCE C 364/1 du 18/12/2000 22p et 1 p – JOCE C 007/8 du 11/01/2001 (rectificatif).
7. Recommandations relatives à la tenue de bases de données médicales contenant des données nominatives ou identifiables, Conseil national de l’Ordre de médecins (Belgique), Bulletin du Conseil National, n°97 p. 6 (doc : A097008).
8. Chevalier S. Ethique et informatique, la protection des données médicales informatisées.
[Thèse de doctorat en médecine] Faculté de Médecine Jacques Lisfranc. Saint-Etienne, France. Année universitaire 2002- 2003 ; 57 pp.
9. The world medical association declaration on ethical considerations regarding health databases. WMA General Assembly, Washington 2002.
10. Convention for the protection of Human Rights and Dignity of the human Being with regard to the application of biology and medicine: Convention on Human Rights and Biomedicine. Oviedo 04 04 1997.
11. Directive 95/46/CE du parlement européen et du conseil relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Journal officiel des communautés européennes. n°1 281/ 31-38.
12. Assemblée fédérale de la confédération suisse: Loi fédérale sur la protection des données (LPD). 19 juin 1992.
13. Manifeste pour la défense de la confidentialité et du secret médical. Madrid: Juin 2003.
14. Décret pris pour l'application des chapitres Ier à IV et VII de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. version consolidée au 30 avril 2002. Chapitre II. Formalités préalables à la mise en oeuvre de traitements de données personnelles de santé à des fins d'évaluation ou d'analyse statistique des pratiques et des activités de soins et de prévention. Décret n°78-774 du 17 juillet 1978 (publié le 23 juillet 1978)
15. Décret no 99-919 du 27 octobre 1999 pris pour l'application du chapitre V ter de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et relatif aux traitements de données personnelles de santé à des fins d'évaluation ou d'analyse des pratiques et activités de soins et de prévention.
16. Le nouveau dispositif de notification anonymisée des maladies infectieuses à
déclaration obligatoire. Circulaire DGS/SD5C/SD6A n° 2003/60 ; 10/02/2003
17. Récolte et exploitation de données médicales. Conseil national de l’Ordre de médecins (Belgique). Avis du 16 juillet 2005. , consulté le 5 octobre 2005
18. Jonathan M. MANN: Santé publique: éthique et droit de la personne. Congrès de la Société française de santé publique. 1998
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